Par Élodie Benoit, boursière ÉRIQA 2023-2024
Le 17 novembre 2023, Sarah Champagne, journaliste au quotidien Le Devoir, spécialiste des questions d’immigration et coproductrice du récent documentaire Essentiels, a été reçue à l’Université Laval afin d’échanger sur les défis et les coulisses de la couverture médiatique sur les enjeux d’immigration. Animée par Danièle Bélanger et Adèle Garnier et organisée par l’ÉRIQA et la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales, la rencontre a permis des échanges riches permettant de comprendre davantage le métier de journaliste en immigration. Une soixantaine de personnes en présentiel et plus de 100 personnes en ligne étaient présentes pour assister à l’événement.
Sarah a débuté par montrer la réalité de son métier, qui n’est pas toujours facile. En effet, les journalistes tentent de couvrir du mieux qu’ils peuvent les faits, mais ceux-ci ne prennent pas toujours en considération la vision du monde qu’ils représentent dans leurs nouvelles et leur impact sur le public. Après avoir effectué des reportages dans 16 pays, Sarah a décidé de faire la différence chez elle, au Québec. La journaliste s’est particulièrement intéressée à l’immigration étant donné son lien connexe avec une variété de thèmes dont les conflits, la mondialisation, la crise climatique, la démographie, la sociologie et l’économie. Pour Sarah, l’immigration est un lien avec le monde, mais aussi un miroir reflétant qui nous sommes en tant que société dans la manière dont nous accueillons les immigrants et dont nous les traitons.
Sarah a ensuite abordé la croissance de l’intérêt politique sur l’immigration au Québec. Avant 2016, ce sujet était à peine abordé, mais aujourd’hui, l’immigration est devenue un enjeu de campagne électorale. La journaliste mentionne que l’immigration est abordée majoritairement en termes de chiffres en politique et ce, plus particulièrement en campagne électorale. Ceux-ci concernent généralement des cibles d’immigration qui sont souvent infondées. De plus, l’immigration n’est pas une question de constance puisqu’elle est constamment en fluctuation. Sarah exprime que le journalisme est un processus itératif, qui varie énormément dans le temps. Ainsi, la recherche est importante, surtout pour retrouver les chiffres auxquels il est parfois très difficile d’accéder, tout comme aux sources gouvernementales en général.
Sarah a aussi mentionné que le côté humain est un aspect très important dans son métier. Les gens interviewés sont parfois en situation très précaire et il s’avère important d’assurer leur protection. Aujourd’hui, le nom et les photos restent sur le net et peuvent impacter la vie des personnes à long terme. Toutefois, dans le journalisme, il y a une certaine dualité entre le désir de protéger la sécurité de la personne en lui donnant le droit à l’anonymat, mais aussi de faire connecter le public avec la nouvelle. Sarah a mentionné d’ailleurs que ses plus grands défis en tant que journaliste sont de renouveler l’intérêt du public sans répéter une nouvelle et de convaincre les gens de parler de leur précarité. Le blocage Méta sur les nouvelles a d’ailleurs beaucoup affecté la visibilité de celles-ci, compliquant donc la manière de rejoindre le public. Les médias sociaux sont aussi un lieu prompt à la cyberintimidation, dont la journaliste est victime à cause de ses articles de nouvelle qui ne font pas l’unanimité. Sarah a montré en exemple certains commentaires à caractère raciste reçus suite à la parution d’articles ayant trait à l’immigration, montrant que le racisme est bel et bien présent au Québec encore aujourd’hui.
Finalement, Sarah a mentionné que les journalistes doivent jongler entre la vulgarisation et la simplification, ce qui peut être difficile à faire. Ainsi, ceux-ci font parfois appel à des chercheurs pour se faire éclairer sur un sujet d’actualité. Étant donné leur travail de longue haleine sur différents sujets, les chercheurs atteignent une profondeur de connaissances qui permet aux journalistes de démystifier plus facilement le sujet d’actualité et facilite la vulgarisation. Pour la journaliste, la collaboration entre chercheur et journaliste est essentielle. Les journalistes doivent être conscients qu’ils sont une courroie de transmission de l’information au public. Ainsi, il s’avère donc essentiel que ceux-ci sachent ce qui se passe réellement et qu’ils remettent en doute les informations et se questionnent sur le sujet reporté afin de rapporter les faits le plus justement possible.
Vous pouvez visionner le documentaire Essentiels de Sarah Champagne sur le site web de Télé-Québec. L’enregistrement du webinaire est disponible sur la page YouTube de l’ÉRIQA.