Le 13 février 2024, Felicitas Hillmann, géographe et professeure à l’Université Technique de Berlin (TU Berlin) est venue présenter ses recherches à l’Université Laval dans le cadre d’une conférence organisée par l’ÉRIQA et la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales.
Spécialiste des migrations internationales, des transformations urbaines et du marché du travail, Felicitas Hillmann a présenté ses travaux sur l’évolution du rôle des villes et de leurs maires dans la gouvernance des migrations en Allemagne, avec un focus sur l’État du Brandebourg en ex-Allemagne de l’Est.
Hillmann a d’abord mis en avant le rôle des villes dans l’accueil des déplacés ukrainiens en Allemagne. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a créé le plus important déplacement forcé de population en Europe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L‘Union Européenne (UE) a activé la Directive sur la Protection Temporaire, qui permet l’accueil des Ukrainiens dans les pays de l’UE pour une période de 3 ans. L’Allemagne est le pays qui a accueilli le plus de déplacés ukrainiens dans l’UE, soit plus d’un million. Les déplacés ukrainiens en Allemagne ont accès au marché du travail et ont droit au même soutien que les demandeurs d’asile reconnus, entre autres l’accès à l’aide sociale, l’assurance maladie, et des cours de langues. Les villes-État allemandes, soit Berlin, Brême et Hambourg reçoivent le plus de déplacés ukrainiens par habitant, et jouent donc un rôle important dans leur intégration. La population allemande manifeste son soutien aux déplacés ukrainiens, et la plupart d’entre eux ont trouve un logement sur le marché prive via leurs propres réseaux de contact.
La professeure Hillmann a ensuite théorisé le rapport urbain/local dans l’accueil des migrants, qu’elle envisage ‘au-delà des échelles et des niveaux’ de gouvernance. Les liens entre migration et villes se sont transformés avec le temps. Les villes ont d’abord joué un rôle local dans l’organisation des migrations et la mobilisation des migrants, puis un rôle plus global dans la division internationale du travail dans un contexte d’accélération de la mondialisation, avant de se positionner comme ‘transformatrices’ dans un contexte de diversité grandissante, et de focus accru sur le développement durable. Ces trois processus continuent de coexister. Des réseaux d’acteurs internationaux, nationaux et locaux impliques dans la gouvernance urbaine des migrations se sont ainsi établis.
Hillmann a dans ce contexte discuté du rôle des maires de villes d’ex-Allemagne de l’Est dans l’État du Brandenbourg, où la migration a fortement augmenté depuis 2015 et la ‘crise des migrants’. Dans un contexte de forte progression de l’extrême-droite en ex-Allemagne de l’Est, des maires ont exprimé qu’ils se sentaient abandonnés par les responsables fédéraux et étaient laissés à eux-mêmes pour expliquer les transformations en cours à la population locale, marginalisée dans des régions en proie à la désindustrialisation. Certains maires mentionnaient l’hostilité aux immigrants d’une partie de la population, qui se manifestait en particulier sur les réseaux sociaux. D’autres observaient l’enthousiasme et la capacité d’agir de citoyens face aux nouveaux arrivants, en notant le rôle positif des universités et de la société civile. Les maires deviennent alors des ‘bureaucrates globaux’ devant répondre à un complexe réseau d’acteurs de multiples niveaux.
Vous pouvez aussi visionner la conférence de Felicitas Hillmann ici.
Cette conférence a été organisée en partenariat avec la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales. Pour plus d’informations sur leurs recherches, veuillez consulter leur site web.
Billet rédigé par Élodie Benoit et Adèle Garnier